Inspirateur de la phrase « Constitution de l'étranger par les étrangers », Pr Boniface Kabisa a pourtant dissuadé Félix Tshisekedi de politiser le débat
C'est dans une interview accordée
le 10 octobre 2024 à Baudouin Amba Wetshy du site
"www.congoindependant.com". Treize jours après, en séjour à
Kisangani, Félix Tshisekedi a repris à son compte la phrase controversée «Cette
constitution a été rédigée par des étrangers… à l’étranger». L'interview porte
le titre "«Boniface Kabisa : Il faut changer la Constitution de la RDC».
Nous la commentons en trois publications (I, II, III) à partir de ce samedi 8
novembre 2024.
Nous n'étions pas loin de la
vérité lorsque dans la chronique intitulée «Révision ou changement de la
Constitution : l'Udps à la base de la confusion actuelle !» parue le 4 novembre
2024. Nous déplorions la propension de ce parti à recourir à des informations
dont il ne vérifie pas souvent l'authenticité. Nous disions exactement ceci :
«En vérité, le problème avec l'Udps est d'avoir pour source d'informations des
manipulateurs pour la plupart actifs dans les médias. Des manipulateurs se
recrutant parmi des professeurs d'université, des serviteurs de Dieu, des
activistes des droits de l'homme, des syndicalistes, des animateurs des
mouvements citoyens». L'interview du Pr Boniface Kabisa en est une puisque la
plupart des articles à problème que les communicateurs du parti présidentiel
peinent à commenter pour justifier la révision ou le changement de la
Constitution s'y retrouvent...
POUR L'ÉCLATEMENT DU KIVU, IL N'Y
A PAS EU DE RÉFÉRENDUM
Cas de l' article 4. A en croire
le Pr Boniface Kabisa, «il est donné à l’Etat les prérogatives du pays. L’Etat
n’est pas le pays. Et le pays a ses
prérogatives qui ne sont pas celles de l’Etat», dît-il. Cet article dispose :
«De nouvelles provinces et entités territoriales peuvent être créées par
démembrement ou par regroupement dans les conditions fixées par la loi».
A la question de BAW : «Que
reprochez-vous à cet article ?», Pr Boniface Kabisa répond : «On ne peut pas
créer des entités décentralisées sans consulter le pays, c’est-à-dire la
population». Il exige pour ce faire un référendum.
Pourtant, l’Histoire du découpage
provincial enseigne et renseigne ceci :
-en 1960, le Congo avait 6
provinces ;
-en 1963, le Congo avait 23
provinces ;
-en 1966, le Congo avait 8
provinces ;
-en 1988, le Congo avait 11
provinces (avec l'éclatement du Kivu en 3 provinces) et
-depuis 2015, le Congo a 26
provinces.
Pr Boniface Kabisa aurait fait
œuvre utile en révélant lesquels des découpages sont passés par le référendum,
lesquels ne l'ont pas été.
De toutes les façons, pour
l'éclatement du Kivu, il n'y a pas eu de référendum !
IL Y A AMALGAME AUTOUR DE LA LOI
BAKAJIKA
Cas de l' article 9. Pr Boniface
Kabisa en donne son énoncé partiel : «L’Etat exerce une souveraineté permanente
notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux, les forêts (…)». Il estime que «Cette formulation
escamote la Loi Bakajika pour laquelle Mobutu Sese Seko s’est battu. On l’a
remplacé par une formule de style qui n’a rien à voir avec la propriété du sol
et du sous-sol».
Convié à s'expliciter, il déclare
: «L’exercice de la souveraineté n’est pas un acte de propriété. Lorsque vous
signez un contrat de location, vous exercez la souveraineté sur la maison
louée. Même le propriétaire ne peut plus y accéder sans votre autorisation. A
la fin du contrat, cette souveraineté s’arrête. J’ai la conviction que cette
modification a été faite à dessein».
Deux vérités sont à rétablir à ce
propos. La première est que l'article 9 met l'accent sur la souveraineté
permanente et non temporaire. La seconde est que la loi Bakajika promulguée en
1966 servait «à régler le régime juridique de la propriété foncière tel que la
Constitution du 1er août 1964 dispose dans l’article 43, alinéa 4 : « une loi
nationale réglera souverainement le régime juridique des cessions et des
concessions foncières faites avant le 30 juin 1960», lit-on sur Wikipédia.
La preuve est qu'elle ne figure
même pas dans la Constitution du 24 janvier 1967 ! Il y a amalgame autour de la
loi Bakajika.
DES BANYAMULENGE... C’EST UNE
ETHNIE FICTIVE QUI N'A JAMAIS EXISTÉ
Cas aussi de l' article 10. Le Pr
Boniface Kabisa s'interroge : «Au nom de quel principe nos enfants et
petits-enfants ne viendraient pas librement au Congo, tout simplement parce
qu’ils ont acquis d’autres nationalités ? Le premier alinéa énonce : «La nationalité
congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec
aucune autre». Il constate que «La situation est toute autre dans les pays
voisins. L’acquisition d’une ou plusieurs nationalités n’empêche nullement les
originaires desdits pays d’y entrer sans formalités".
A la question de BAW de savoir
s'il est pour l’irrévocabilité de la nationalité d’origine, il répond :
«Absolument, dans la mesure où cette nationalité découle de la filiation». Et
d’ajouter : «Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes
ethniques dont les personnes et les territoires constituaient ce qui est devenu
le Congo présentement la République démocratique du Congo», indique le
troisième alinéa de l’article 10. «Comment peut-on dénier à quelqu’un ses
origines ethniques ? Comment peut-on exiger un visa d’entrée à un Congolais
naturalisé belge, canadien ou français désireux de visiter ses parents et
grands-parents ? Ces Congolais de la diaspora ont une valeur ajoutée à apporter
au pays. C’est le cas notamment des médecins», s'interroge-t-il.
Là, le Pr Boniface Kabisa soulève
un problème réel. Il a raison. Au demeurant, Félix Tshisekedi l'a abordé dès
son accession à la magistrature suprême. D'ailleurs, bien avant, un moratoire
avait été adopté en 2007.
Malheureusement, à la question
suivante «Quid des ‘Banyamulenge ?’», le scientifique Boniface Kabisa contredit
carrément le politique Félix Tshisekedi en répondant : «C’est une ethnie
fictive qui n’a jamais existé. C’est une invention qui n’arrive pas à percer».
Pourtant, à Londres, le Président
de la République avait tenu un discours contraire. «Les Banyamulenge sont des
Congolais. Ils sont restés de génération en génération (…) Je leur ai parlé,
leur ai demandé de démontrer qu’ils sont Congolais à travers les actes»,
rapporte le média en ligne 7sur7.cd dans sa dépêche du 19 janvier 2020.
(La suite dans la livraison du
lundi 11 novembre 2024 pour les articles 51, 91 et 217 de la Constitution...)
PROCHAINEMENT : "Avec la
re-visitation de la Constitution, Tshisekedi renvoie Bemba, Kamerhe, Bahati et
Muzito à après 2042 !"
Omer Nsongo die Lema
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